vendredi 27 janvier 2023

Que nous apprend la troisième génération ? pas Gus Massiah


L’émancipation ressort de manière inattendue. Elle ne gagne pas toujours, elle est souvent réprimée, mais elle bouleverse les certitudes et change les perspectives d’avenir. La magnifique révolte des jeunes femmes iraniennes redonne de l’espoir quelle que soit l’issue de ce mouvement[1][1]. Elles ont déclaré, « nous sommes la troisième génération ». Faisons l’hypothèse que cette proposition de troisième génération est valable à l’échelle mondiale. Avec de grandes différences suivant les situations, elle traduit un bouleversement culturel. Le changement culturel porte sur la redéfinition des voies de l’émancipation, vers la définition de nouveaux possibles. Comme l’exprimait Franz Fanon en s’adressant aux jeunes algériens interpellés par la lutte de libération nationale de l’Algérie, « chaque génération, dans une certaine opacité, doit découvrir sa mission, pour la remplir ou pour la trahir ».

Chaque génération est marquée par les grandes luttes et mobilisations qui ont été reconnues, au-delà des diversités des situations, comme communes et significatives. Admettons l’hypothèse que les jeunesses du monde sont engagées dans une troisième génération.

 

La première génération, encore présente, serait, de 1947 à 1980, la génération de la décolonisation et des luttes de libération nationale et des grandes mobilisations qui ont marqué le monde dans les « mai 1968 ». La période de 1968 à 1975 a été riche en ouvertures d’émancipation avec, en France, Lip, le Larzac et les premières manifestations contre les déchets nucléaires, à Bure. C’est encore la période du grand soir et l’importance des luttes armées, particulièrement anti -coloniales. C’est aussi la montée du Sud, de Bandung au non-alignement et à la Trilatérale, à Cuba, en 1973. 

 

La deuxième génération est celle du néolibéralisme de 1980 à 2010. C’est la contre-offensive néolibérale réussie, avec l’endettement des pays du Sud et les programmes d’ajustement structurel, à partir de 1979, et la chute du mur de Berlin, en 1989, qui acte la fin du monde bipolaire. Le nouveau système international est marqué par la domination géopolitique de la triade (Etats Unis, Europe, Japon) et des institutions de Bretton Woods (Fond Monétaire International, Banque Mondiale, Organisation Mondiale du Commerce). La culture de l’émancipation prend un nouveau chemin avec l’altermondialisme qui prolonge l’internationalisme. Elle s’exprime dans les Forums Sociaux Mondiaux qui commencent en 2001 à Porto Alegre.

 

La troisième génération est celle qui commence avec les nouveaux mouvements, qui ont agité près de cinquante pays, à partir de 2011 ; avec les révolutions arabes, les indignés, les occupys, le Hirak algérien, les jeunes iraniennes, ... Ces mouvements sont réprimés avec une extrême violence. Les inégalités ont explosé. Le néolibéralisme a glissé vers un austéritarisme, combinaison d’austérité et de sécuritarisme. L’explosion des richesses rend encore plus insupportable la misère et les inégalités, alimente la corruption et détruit la confiance dans la représentation politique. La troisième génération construit sa culture avec un individualisme alimenté par le numérique, le désastre écologique et la pandémie. Elle construit des engagements autour des nouvelles radicalités, le féminisme et la reconnaissance des genres, l’écologie, l’antiracisme, les peuples premiers. La montée des idéologies sécuritaires et identitaires des extrêmes droites partout dans le monde traduisent la peur de l’avenir et la résistance à ces nouvelles radicalités.

 





[1][1]
https://orientxxi.info/magazine/iran-la-revolte-de-la-troisieme-generation,5937

 

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