La pandémie de Covid-19 a mis à l’arrêt de nombreuses entreprises ce qui laisse anticiper une récession significative. Gouvernements et institutions financières internationales n’ont plus qu’un mot d’ordre : sauver l’économie ! Mais de quelle économie parle-t-on ?
Le gouvernement souhaite-t-il réellement aider les entreprises, qui vont rencontrer de grandes difficultés économiques au cours des mois prochains, ou veut-il simplement sauver le patrimoine des actionnaires ?
Pour ce gouvernement et ceux qui l’ont précédé, il ne s’agit pas de sauver les entreprises ou d’accompagner les entrepreneurs mais de protéger les logiques financières qui ont conduit ces dernières années à dévaloriser le travail en le traitant comme un coût qu’il faut sans cesse réduire.
Contrairement à une idée reçue, la référence n’est plus «l’entreprise» dans laquelle les collectifs de travail produisent les biens et/ou les services, mais la «société de capitaux», entité juridique derrière laquelle opèrent les actionnaires et les propriétaires des actions.
Ainsi, c’est le collectif de travail qui constitue l’entreprise. Sa finalité n’est pas de faire du profit mais de produire et vendre des biens et des services, de réaliser une valeur ajoutée.
La société de capitaux est l’expression juridique la plus répandue de l’entreprise dans laquelle les actionnaires captent, sous forme de profit, une partie de la valeur ajoutée, ce qui n’est pas le cas chez les artisans et dans les Scop. Salaires et cotisations sociales sont un dû, et lorsque les actionnaires ne peuvent les honorer, le pouvoir doit revenir aux salarié·e·s pour la sauvegarde de l’entreprise.
C’est ce que l’Etat veut à tout prix éviter.
Or ce n’est pas à l’Etat, c’est-à-dire aux citoyen·ne·s et contribuables, de se substituer aux sociétés dans le paiement des salaires et des cotisations sociales. En faisant cela, l’Etat épargne les sociétés qui, comme Amazon, profitent de la crise du moment.
En période de baisse de la production, les salaires et cotisations sociales doivent être assurés collectivement par l’ensemble des entreprises et si elles ne le peuvent pas, les salarié·e·s doivent prendre le contrôle de celles-ci.
L’intervention de l’Etat n’a pour objectif que de sauver le capitalisme et nullement l’économie réelle.
Eliminer les productions inutiles
Cette pandémie est aussi l’occasion de découvrir l’évidence. La chute de la production en Chine a provoqué une baisse des émissions de gaz à effet de serre de 25% sur les deux premiers mois de l’année. Les Vénitiens sont stupéfaits de revoir des poissons dans des eaux devenues subitement claires. L’air est désormais moins asphyxiant dans nos villes. Beaucoup se mettent à espérer que la sortie de la pandémie soit l’occasion de repenser nos modes de production et de vie, de conjurer le péril écologique qui menace notre humanité. D’autant que moins de production signifie plus de temps libre, plus de temps pour soi.
Et si nous éliminions les productions inutiles ? Et si nous arrêtions les stratégies d’obsolescence programmée des entreprises ? Et si, plutôt que de recycler les emballages, source de nouvelles pollutions, nous nous engagions dans une démarche de zéro-déchets ? Et si, en ayant considérablement baissé le transport des marchandises, nous changions nos modes de transport individuels pour privilégier le rail au détriment de l’avion et de la voiture ? Ceci suppose de revenir sur les plans de privatisation du rail.
Et si nous arrêtions de considérer le non-marchand comme une «charge» qui pèse sur la compétitivité des sociétés de capitaux, afin de disposer d’une santé publique à la hauteur d’une société humaine et digne ?
Tout ceci est possible et nécessite des débats citoyens ainsi que des plans massifs de reconversion professionnelle dans une logique qui ne laisse plus personne en situation d’exclusion économique. Ceci implique de reconnaître enfin les qualifications des individus.
Mais cette nouvelle manière de voir est contradictoire avec le plan de relance qui est annoncé dont l’unique objectif est de redonner de la valeur aux sociétés de capitaux.
Vers un système financier socialisé ?
La sauvegarde de l’économie productive de biens et de services passe par la reprise en mains des entreprises par les salarié·e·s et le pouvoir donné aux usagers de déterminer ce qu’il faut produire.
Nous ne pouvons plus laisser les forces du marché déterminer les investissements et les citoyen·ne·s doivent pouvoir déterminer les grandes orientations de l’économie par un système financier socialisé géré par elles et eux, comme l’a été le régime général de sécurité sociale de 1947 à 1967.
L’exercice commun d’une telle démocratie économique suppose que nos vies soient libérées de l’aléa de marchés sur lesquels nous n’avons guère de prise.
Alors que notre humanité est aujourd’hui à un tournant qui lui permet de sauver son existence, une partie de la gauche et de l’écologie politique reste silencieuse sur cette opportunité qui porte en elle ses aspirations : la sauvegarde de l’environnement et la disparition de l’exploitation du travail et de l’aliénation marchande.
Demander à l’Etat de payer pour «sauver l’économie», c’est tomber dans un piège. Comme en 2008, l’Etat va soutenir les sociétés de capitaux engagées dans une course effrénée à la valorisation. Une fois celles-ci renflouées par l’argent public, les affaires reprendront de plus belle selon la logique capitaliste d’austérité pour les travailleur·se·s, de casse des services publics et de fuite en avant dans une croissance indifférente aux besoins sociaux et écologiques.
Les mesures décidées par Emmanuel Macron sont destinées à sauver les sociétés de capitaux. Il faut s’y opposer. Nous avons aujourd’hui une occasion unique de changer notre façon de vivre et de réorienter toute l’économie en fonction des impératifs de la transition écologique. Il faut sauver l’économie de la faillite du capitalisme, et non sauver l’économie capitaliste de la faillite.
Signataires : Tony Andréani philosophe ; Daniel Bachet sociologue ; Ludivine Bantigny historienne ; Benoît Borrits essayiste ; Clément Caudron ingénieur ; Thomas Coutrot économiste ; Alexis Cukier philosophe ; Pierre Dardot philosophe ; Nicolas Dessaux archéologue ; Emmanuel Dockès juriste ; Bernard Friot sociologue et économiste ; Janine Guespin professeure honoraire ; Sylvie Larue enseignante ; Christian Laval sociologue ; Mathilde Larrère historienne ; Gaëlle Maillard syndicaliste ; Sylvie Mayer parlementaire européenne (1979-1994) ; François Morin économiste ; Christine Poupin syndicaliste ; Jacques Richard expert-comptable ; Jean Sève historien, Jean-Michel Toulouse ancien directeur d’hôpital ; Pierre Zarka ancien directeur de l’Humanité.
Cette tribune est parue initialement dans Libération
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