mardi 22 janvier 2019

Le gilet rouge est inaliénable, par Eugène Bégoc

Suite à la réunion qui s'est tenue dans les locaux de Solidaires samedi dernier 19 janvier, Eugène Bégoc nous a fait parvenir la note ci-dessous. Pour que le débat continue. 

Le face-à-face entre une centaine de milliers de manifestant.e.s du samedi et un exécutif français humilié d’être brusquement réduit à l’expédition des affaires courantes dure. 

Le blocage institutionnel n’est pas inédit sous la 5ème République. De 1984 à 1986, le gouvernement Fabius connut ce même bornage de la liberté de manœuvre gouvernementale, n’adoptant par exemple qu’une version émasculée de la décentralisation et de la déconcentration étatiques. 

Macron et Philippe subissent aujourd’hui la même amputation de leur politique à cette différence notable près que c’est cette fois un très dangereux corsetage de la société par un État proprement néo-conservateur qui est mis en cause. Bruyamment, des réseaux irriguant les droites dans leurs attaches sociales occupent le fronton du bastion France qu’ils entendent mieux défendre que l’exécutif contre les menaces extérieures. 


À gauche l’ordre des questions et des priorités s’en trouve chamboulé. L’impératif premier est une opposition inconditionnelle à l’incroyable déchaînement de la répression des manifestant.e.s quand bien même 90% d’entre elles et eux sont de convictions politiques opposées. Seules les suspicions étayées des exactions identitaires devraient être exclues de la condamnation des poursuites. 

Au même niveau de priorité, a à être réaffirmée l’impérieuse nécessité de corriger radicalement l’encadrement des entreprises dans leur « liberté d’exploiter » ces millions de salarié.e.s confiné.e.s dans la seule exécution, à horaires partiels et variables et à un taux horaire du SMIC notoirement dégradé. 

Le remplacement de la prime gouvernementale d’activité par une hausse comparable à l’actuelle augmentation du SMIC espagnol – de l’ordre d’une centaine d’euros – devraient réunir autour du pôle CGT, Solidaires et FSU l’essentiel de la gauche associative, sociale et politique dans la phase actuelle, avec un gouvernement contraint à devoir rendre des comptes en mairies et en préfectures. 

Dans et au-delà de ces deux priorités, des formations de gauche – presse, associations, syndicats et fédérations de syndicats, formations politiques, associations d’élu.e.s, de délégué.e.s (conseils d’école, du Crous, de mutuelles, d’organismes de logement…) – devraient aux différentes échelles d’activités et de vie répondre au grand débat national par quelques centaines de forums de la gauche sociale et politique pour s’attaquer aux effets de trois décennies de contre-réformes en tous genres et assumer les transitions qu’appelle le besoin d’un autre demain : en matière énergétique certes, mais aussi en matière alimentaire ou de soins, d’habitat, d’échanges culturels, de coopérations sociales et économiques… 

Faire vivre une démocratie en actes, n’est-ce pas la meilleure manière de renvoyer le néo-conservateur Macron dans les poubelles de la 5ème République ? 

Eugène Bégoc

Rapide commentaire suite à la note d'Eugène, par Henri Mermé


Un nouvelle fois ce texte indique que la base sociale des Gilets Jaunes serait les droites. Affirmation qui est contredite non seulement par de nombreux commentatateurs-trices et surtout par la seule étude – certes partielle –
menée par des chercheurs et chercheuses du Centre Emile Durkheim de Bordeaux dont le texte initial paru dans Le Monde  du 12 décembre 2018 figure sur le site du Réseau et dont nous publions ci-dessous quelques conclusions provisoires.

Une nouvelle étude est en train d’être finalisée sur un échantillon beaucoup plus important qui confirme en les précisant les conclusions de la pré-étude.

Une présentation de cette étude aura lieu à l’initiative d’un regroupement d’ « associations émancipatrices » dont le Réseau au Maltais rouge 40 rue de Malte 75011 mercredi 13 févier à 19 h   

Quelques extraits représentatifs de la conclusion de la première étude

"il n’y a pas de portrait type des manifestan–ts, puisqu’une des caractéristiques du mouvement est sa diversité, les « gilets jaunes « sont d’abord des personnes, hommes et femmes, qui travaillent (ou, étant retraités, ont travaillé), âgées de 45 ans en moyenne, appartenant aux classes populaires ou à la « petite » classe moyenne.

Les résultats, encore très provisoires, présentés ici s’appuient sur l’analyse de 166 questionnaires distribués auprès des participants aux actions sur les ronds-points et aux péages, ou lors des manifestations ayant eu lieu les 24 et 1er décembre, par une équipe d’une dizaine de chercheurs et d’étudiants. Le questionnaire a été élaboré de manière à recueillir des informations détaillées et précises sur les participants.

Une surreprésentation des employés et une sous-représentation des cadres

Certaines catégories apparaissent comme particulièrement surreprésentées au sein des « gilets jaunes » qui nous ont répondu. C’est le cas des employés, qui constituent 33 % des participants (soit 45 % des actifs présents, contre 27 % de la population active française). Ils sont plus de deux fois plus nombreux que les ouvriers, qui représentent 14 % des participants. Les artisans, commerçants et chefs d’entreprise sont également particulièrement nombreux : 10,5 % des participants (14 % des actifs présents, contre 6,5 % de la population active française).

La réponse dominante consiste à se déclarer comme apolitique, ou « ni de droite ni de gauche » (33 %). En revanche, parmi ceux qui se positionnent, 15 % se situent à l’extrême gauche, contre 5,4 % à l’extrême droite ; 42,6 % se situent à gauche, 12,7 % à droite et, surtout, seulement 6 % au centre. 

En comparaison, un sondage conduit par Ipsos en avril montrait que 22 % des Français rejettent le clivage gauche-droite, quand 32 % se situent à gauche et 39 % à droite. Cette grande diversité du rapport au politique est un élément majeur de la singularité du mouvement.

Les motivations : pour le pouvoir d’achat et contre une politique favorable aux riches
Pour les répondants, il s’agit moins d’une révolte contre une taxe en particulier, ou pour la défense de l’usage de la voiture, qu’une révolte contre un système fiscal et de redistribution jugé inique. Une révolte contre les inégalités, mais aussi contre une parole politique qui les méprise et les infériorise symboliquement. Il s’agit à la fois de défendre leur pouvoir d’achat et leur accès à un standard de vie (notamment les loisirs, de plus en plus inaccessibles) et d’une exigence de respect à leur égard et de reconnaissance de leur dignité de la part du personnel politique (gouvernement et président de la République".

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