Le face-à-face entre une centaine de milliers de manifestant.e.s du samedi et un exécutif français humilié d’être brusquement réduit à l’expédition des affaires courantes dure.
Le blocage institutionnel n’est pas inédit sous la 5ème République. De 1984 à 1986, le gouvernement Fabius connut ce même bornage de la liberté de manœuvre gouvernementale, n’adoptant par exemple qu’une version émasculée de la décentralisation et de la déconcentration étatiques.
Macron et Philippe subissent aujourd’hui la même amputation de leur politique à cette différence notable près que c’est cette fois un très dangereux corsetage de la société par un État proprement néo-conservateur qui est mis en cause. Bruyamment, des réseaux irriguant les droites dans leurs attaches sociales occupent le fronton du bastion France qu’ils entendent mieux défendre que l’exécutif contre les menaces extérieures.
À gauche l’ordre des questions et des priorités s’en trouve chamboulé. L’impératif premier est une opposition inconditionnelle à l’incroyable déchaînement de la répression des manifestant.e.s quand bien même 90% d’entre elles et eux sont de convictions politiques opposées. Seules les suspicions étayées des exactions identitaires devraient être exclues de la condamnation des poursuites.
Au même niveau de priorité, a à être réaffirmée l’impérieuse nécessité de corriger radicalement l’encadrement des entreprises dans leur « liberté d’exploiter » ces millions de salarié.e.s confiné.e.s dans la seule exécution, à horaires partiels et variables et à un taux horaire du SMIC notoirement dégradé.
Le remplacement de la prime gouvernementale d’activité par une hausse comparable à l’actuelle augmentation du SMIC espagnol – de l’ordre d’une centaine d’euros – devraient réunir autour du pôle CGT, Solidaires et FSU l’essentiel de la gauche associative, sociale et politique dans la phase actuelle, avec un gouvernement contraint à devoir rendre des comptes en mairies et en préfectures.
Dans et au-delà de ces deux priorités, des formations de gauche – presse, associations, syndicats et fédérations de syndicats, formations politiques, associations d’élu.e.s, de délégué.e.s (conseils d’école, du Crous, de mutuelles, d’organismes de logement…) – devraient aux différentes échelles d’activités et de vie répondre au grand débat national par quelques centaines de forums de la gauche sociale et politique pour s’attaquer aux effets de trois décennies de contre-réformes en tous genres et assumer les transitions qu’appelle le besoin d’un autre demain : en matière énergétique certes, mais aussi en matière alimentaire ou de soins, d’habitat, d’échanges culturels, de coopérations sociales et économiques…
Faire vivre une démocratie en actes, n’est-ce pas la meilleure manière de renvoyer le néo-conservateur Macron dans les poubelles de la 5ème République ?
Eugène Bégoc
Rapide commentaire suite à la note d'Eugène, par Henri Mermé
Un nouvelle fois ce texte indique que la base sociale des
Gilets Jaunes serait les droites. Affirmation qui est contredite non seulement
par de nombreux commentatateurs-trices et surtout par la seule étude – certes
partielle –
menée par des chercheurs et chercheuses du Centre Emile
Durkheim de Bordeaux dont le texte initial paru dans Le Monde du 12 décembre 2018 figure sur le site du
Réseau et dont nous publions ci-dessous quelques conclusions provisoires.
Une nouvelle étude est en train d’être finalisée sur un
échantillon beaucoup plus important qui confirme en les précisant les
conclusions de la pré-étude.
Une présentation de cette étude aura lieu à l’initiative
d’un regroupement d’ « associations émancipatrices » dont le
Réseau au Maltais rouge 40 rue de Malte 75011
mercredi 13 févier à 19 h
Quelques extraits représentatifs de la conclusion de la
première étude
"il n’y a pas de portrait type des manifestan–ts,
puisqu’une des caractéristiques du mouvement est sa diversité, les
« gilets jaunes « sont d’abord des personnes, hommes et femmes, qui
travaillent (ou, étant retraités, ont travaillé), âgées de 45 ans en moyenne,
appartenant aux classes populaires ou à la « petite » classe moyenne.
Les résultats, encore très provisoires, présentés ici
s’appuient sur l’analyse de 166 questionnaires distribués auprès des
participants aux actions sur les ronds-points et aux péages, ou lors des
manifestations ayant eu lieu les 24 et 1er décembre, par une
équipe d’une dizaine de chercheurs et d’étudiants. Le questionnaire a été
élaboré de manière à recueillir des informations détaillées et précises sur les
participants.
Une surreprésentation
des employés et une sous-représentation des cadres
Certaines catégories apparaissent comme particulièrement
surreprésentées au sein des « gilets jaunes » qui nous ont répondu.
C’est le cas des employés, qui constituent 33 % des participants (soit
45 % des actifs présents, contre 27 % de la population active
française). Ils sont plus de deux fois plus nombreux que les ouvriers, qui
représentent 14 % des participants. Les artisans, commerçants et chefs
d’entreprise sont également particulièrement nombreux : 10,5 % des
participants (14 % des actifs présents, contre 6,5 % de la population
active française).
La réponse dominante consiste à se déclarer comme
apolitique, ou « ni de droite ni de gauche » (33 %). En
revanche, parmi ceux qui se positionnent, 15 % se situent à l’extrême
gauche, contre 5,4 % à l’extrême droite ; 42,6 % se situent à
gauche, 12,7 % à droite et, surtout, seulement 6 % au centre.
En
comparaison, un sondage conduit par Ipsos en avril montrait que
22 % des Français rejettent le clivage gauche-droite, quand 32 % se
situent à gauche et 39 % à droite. Cette grande diversité du rapport au
politique est un élément majeur de la singularité du mouvement.
Les
motivations : pour le pouvoir d’achat et contre une politique favorable
aux riches
Pour les répondants, il s’agit moins d’une révolte contre une taxe
en particulier, ou pour la défense de l’usage de la voiture, qu’une révolte
contre un système fiscal et de redistribution jugé inique. Une révolte contre
les inégalités, mais aussi contre une parole politique qui les méprise et les
infériorise symboliquement. Il s’agit à la fois de défendre leur pouvoir
d’achat et leur accès à un standard de vie (notamment les loisirs, de plus en
plus inaccessibles) et d’une exigence de respect à leur égard et de
reconnaissance de leur dignité de la part du personnel politique (gouvernement
et président de la République".
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