À peu près tous les deux ou trois mois, le public lettré d’expression française est convié à un curieux sabbat au cours duquel des sacrificateurs patentés procèdent à l’immolation rituelle non point d’un bélier, d’un agneau ou de tout autre bouc émissaire, mais du postcolonialisme. Cela fera bientôt vingt ans que dure le manège et rien, en l’état actuel des choses, ne semble – hélas – devoir l’arrêter.
Pour Edward W. Said (1935-2003) et James Arthur Baldwin (1924-1987)
Contrairement à Edward Saïd, Homi Bhabha ou Gayatri Spivak, je ne suis pas un théoricien du postcolonialisme, encore moins l’un des grands prêtres de la pensée dite décoloniale et dont l’essentiel des thèses, tout comme au zénith de la théorie de la dépendance (ou de ce que l’on appelait alors « le développement du sous-développement »), nous viennent d’Amérique Latine.
Des subaltern studies (un important courant de pensée historiographique né en Inde dans les années 1980), je n’en ai entendu parler qu’au début des années 1990, lorsque je me suis établi aux États-Unis après des études à l’université de Paris I-Panthéon Sorbonne et à Sciences-Po.