Petit aperçu de pratiques autogestionnaires à Notre-Dame-des-Landes, dans un espace gagné provisoirement aux objectifs fonciers des promoteurs d'un nouvel aéroport en plein bocage nantais.
D'une occupation pensée comme un moyen de résistance enracinée sur le terrain, la Zad de Notre Dame des Landes est progressivement devenue un espace d'expérimentation. La Zad, ce nom technocratique de Zone à aménagement différé devenu Zone à défendre, est un lieu d'expériences plurielles bénéficie de la perspective d'une durée possible, assez rare dans les luttes et donc de temps pour penser autrement le futur proche. La zone autonome temporaire, pour reprendre la formule d'Hakim Bey, a un peu écarté l'immédiateté des menaces d'expulsion militaire, et donc d'une présence très temporaire.
Les squats,
occupations de maisons et de terrains, ont le plus souvent pour horizon une
éviction par la force, inéluctable. La principale préoccupation, c'est de
tenter d'en reculer l'échéance, tant par des moyens de droit que par des issues
barricadées et un soutien militant. Mais pour la Zad de Notre Dame des Landes,
il y a eu un avant et un après l'opération César, du nom de cette essai,
infructueux pour le pouvoir, d'évacuation militaire du terrain en octobre et
novembre 2012.
Pendant les mois qui suivirent, jusqu'en avril 2013, la zone a
été quadrillée quotidiennement par des forces militaires avec des gendarmes
mobiles stationnant en permanence à un carrefour stratégique. Leur départ a
rendu la vie quotidienne plus sereine. L'engagement du gouvernement de ne pas
faire procéder à des expulsions tant que ne seraient pas purgés tous les
recours juridiques lancés contre divers aspects du projet d'aéroport a ajouté à
cette extension du temps de la lutte.
Autogestion et
subsistance étaient déjà les mots d'ordre de l'occupation du terrain. On a pu
alors y ajouter l'avenir. Un futur toujours incertain, qui aura sans doute un
terme mais sans que personne ne sache en dresser le calendrier. Ce qui vaut
déjà la peine d'être vécu avec intensité, et permet en attendant d'installer des modes de vie et de
décision qui ne soient pas simplement dictés par l'urgence et la défensive. Dans les
assemblées générales, les règles de distribution des tours de parole, la prise de
notes, les signes d'approbation mains agitées et autres codes visuels, sont
utilisés comme dans la plupart des milieux militants. S'y ajoutent parfois des
innovations, comme le lancer de haricots rouges pour couper court aux orateurs
et oratrices qui commenceraient à vider des rancœurs et entrer dans une logique
de règlements de compte…
Clivages de classe entre zadistes
Certain.es zadistes le reconnaissent, le rituel des prises de parole
en AG et les codes collectifs ne sont pas forcément partagés par toutes et
tous. Tout est fonction de son histoire de vie, sa culture, son extraction
sociale. Les moins à l'aise viennent de la rue, de la manche, où les conflits
se règlent avec plus de rudesse. Le ton monte plus vite. Certain.es ont
éventuellement un casier judiciaire garni, des peines avec sursis en cours, des
interdictions de territoire…
S'exprimer dans une assemblée, respecter le temps
de parole de l'autre, pas évident quand on n'est pas « issu.es de
classes moyennes ou intellectuelles, ayant souvent fait des études
universitaires, habitué.es à s'organiser en réunions ultra-formelles, avec
ordre du jour, modération, tour de parole et tout le bordel » notait
un texte de juillet 2013, « A propos du mépris de classe sur la Zad »* :
« C'est pas par hasard si certain.es se retrouvent à définir "ce qui se fait" et "ce qui ne se fait pas" ; ce qui est "acceptable" ou non ! C'est toujours les
dominant.es dans un rapport social qui ont le pouvoir de définir la morale, de
séparer le bien du mal, de trier qui est "dedans" et qui est "dehors" ». Hétérogènes, les zadistes retrouvent les
inégalités sociales classiques qui ont ici été nommés les
« intégré.es » et les « arraché.es ».
Les chantiers collectifs, et leur investissement physique, manuel,
permettent aux moins « beaux parleurs » de trouver plus facilement
leur place. Un atelier rap a été lancé avec l'idée d'un autre mode d'expression
que le très codé rapport aux assemblées générales et à sa discipline de parole.
« Ces assemblées rassemblent une minorité de
personnes, concède un zadiste. Une partie des occupant.es préfère
continuer ses activités, sans trop se sentir concerné par ce fonctionnement, ou
n’y allant pas pour des raisons individualistes. Comme quoi les modes
d’assemblée sont toujours à dépasser... »
Zone ingouvernable mais administrée
La Zad se revendique comme
« ingouvernable », notamment réfractaire aux alliances avec les
partis politiques même à gauche des socio-démocrates. Tout ce qui pourrait
s'apparenter à une hiérarchie, fut-elle militante ou dictée par un pragmatisme
sincère, est vue comme néfaste. Regroupant des lieux dits connus sur les
vieilles cartes et d'autres aux nom inventés depuis leur occupation, cette zone
« ingouvernable » assume pourtant parfaitement de s'administrer par
bien des instances, discutant de tout, de la vie quotidienne, de la voirie et
des chemins, des préparations des manifestations, des relations de voisinage, du
sexisme ordinaire, du soutien aux gens arrêtés ou emprisonnés... Des assemblées
générales au fonctionnement horizontal.
On y débat régulièrement de la question de ce que chacun.e entend par
violence, voire « non violence active », ce qui dessine une ligne de
partage mouvante mais récurrente lors des débats entre les différents groupes.
Et ce depuis l'occupation du terrain par ce qu'on a appelé
« zadistes », implantés après le Camp climat de l'été 2009. Mais
au-delà des clivages et a priori, tou.tes ont appris à se connaître, parfois à
s'apprécier et à reconnaître l'utilité de modes d'actions divers.
Les premiers mardis de chaque mois à La
Vache-rit, l'assemblée générale du mouvement regroupe les diverses composantes,
les zadistes comme individu.es avec leurs différences, l'association
citoyenniste Acipa, les collectifs de paysans Adeca et Copain, la coordination
intégrant les organisations politiques, le collectif des élu.es CéDpa, les
comités de soutiens voisins. On y discute le plus souvent au consensus, sans recourir au
vote, des actions communes avec l'ensemble du mouvement.
C'est ici que s'envisagent
les chantiers d'entretien de route, des actions de solidarité avec les diverses
ZAD ouvertes en France -ou plus loin- contre des projets d'aménagement, les
appels à soutien lors de procès de militants, l'accueil de délégations et
groupes de passage, caravanes de cyclistes, marcheurs... Comme pour les
cabanes, les maisons, extensions et réfections de bâtiments existants, de
petites éoliennes, l'auto-construction retrouve les principes du DIY. Do it
yourself. Gère ton bricolage. Expérimente les possibles à portée de main,
débrouille toi avec des ressources partagées, apprends des autres, le bardage,
la charpente, la conservation des patates l'hiver, la cuisine vegan, la
construction d'un four.
Dépasser la propriété foncière
Cette enclave aborde au quotidien ses volontés d'autonomie
alimentaire, l'exercice de l'autogestion généralisée, et éventuellement le
dépassement de la propriété du sol, pour l'instant et peut être à moyen
terme. Et plus, si jamais la lutte s'avérait victorieuse, avec l'abandon
du projet et l'abrogation de la déclaration d'utilité publique de février 2008.
Tous les quinze jours, à La Chataîgne, une assemblée de « Sème ta
Zad » débat du devenir des terres, de leur occupation, de leurs usages
agricoles, de l'accueil des nouveaux projets. Ou lance dores et déjà des chantiers
collectifs de plantation d'arbres fruitiers, pruniers, pommiers, poiriers,
cerisiers, après défrichage
de ronces et de prunelliers. En plusieurs saisons, les jardins et
parcelles maraîchères ont déjà bien des récoltes à leur actif.
Entamées depuis plusieurs années, les discussions sur le devenir des
terres ne sont pas les plus évidentes entre les quelques derniers paysans du
cru, les zadistes branchés sobriété
agricole et le collectif de paysans Copain, regroupant des agriculteurs bio et
d'autre à gauche de la Confédération paysanne.
Outre la collectivisation des
terres et la création de boulangeries, il est question de dégager des « espaces non motorisés »,
sans tracteur ni cultures. Il faut de la place pour tout : « Du maraîchage pour l’autonomie, des vergers,
du bio, de la traction attelée, des expérimentations et même des projets sans
agriculture. Pas question d’écarter des gens qui se sont battus avec
nous », souligne Marcel Thébault, producteur laitier « historique », prêt à une
conversion au bio en cas de victoire contre Vinci et l’État.
La volonté de
« faire du commun »
Et parmi les zadistes qui cultivent des potagers, certains, comme
Jean-Jo, voient déjà « le retour des
communaux revendiqués par la paysannerie brûlant les titres de propriété
en 1788, la vraie base de la Révolution. Je ne suis pas d'accord avec
l'idée "La terre aux paysans d’abord", la logique de performance et la propriété privée : on est pour la terre à tout le monde avec une propriété d'usage. Je
ne veux pas que quelqu’un me nourrisse. Je veux m’en occuper. Je milite pour
une société où il n’y a pas de métier ni d’assignation sociale par le boulot.
Même s'il peut y avoir du savoir faire : mon voisin fait son jardin depuis
cinquante ans; il arrose ses tomates deux fois moins que moi parce qu'il connaît
bien sa terre ».
Appelant à une « communisation
des terres et des pratiques », le mouvement « Sème ta Zad »
affirme sa filiation avec des mouvements paysans locaux, dans un département où
les paysans-travailleurs et l'influence de Bernard Lambert ont marqué les
luttes, fortement liées aux comités de grève en Mai 68, lançant des actions
directes contre l’industrie agro-alimentaire, occupant des terres et des fermes
contre les « cumulards »…
Cette
communisation des champs et des pratiques relèverait d'un dépassement de la
propriété foncière, pour privilégier les usages collectifs, partagés, de ces
terrains souvent en friche depuis des décades. Histoire aussi d'expérimenter
autour de la question alimentaire : sur « des productions autonomes en rupture avec les
logiques agro-industrielles, sur les liens possibles avec Nantes et ses
habitant.es ». En
somme vivre sans attendre « la capacité
de relier la question agricole à des formes de vie, d’habitat et à des luttes
sociales » tout
en empoignant une vieille notion de
« contradiction ville-campagne ».
Droit, culture, agriculture, clowns
Chaque lieu de vie a aussi ses assemblées
et ses commissions gérant auto-construction, maraîchage, cuisine... Tout comme
les collectifs féministes, ou l'équipe de soutien juridique, legal team
désormais élargie à en un Carila, Comité antirépression issu de la lutte
anti-aéroport. Un groupe d’écoute reçoit celles ou ceux qui veulent un soutien
vis à vis d'une souffrance psychologique, y compris vis à vis des drogues.
La ferme de Bellevue a été occupée par le
collectif de paysans Copain qui y a installé vaches, cochons, moutons et du
matériel agricole, assurant la traite des vaches, le fonctionnement de la
fromagerie, la coupe du bois de chauffage, la réparation des outils et tant
qu'on y est, des vélos utilisés collectivement de lieu et lieux sur la Zad.
Radio Klaxon diffuse ses émissions
pirates que l'on peut capter aux abords de la Zad, sur la fréquence squattée à
Vinci autoroute. Des ateliers ont initié à la production d'émission de radio.
La grille de programme zappe des luttes sur place et ailleurs aux émissions sur
les prisons, sur la poésie, le genre, alternant des lectures en direct et des
débats. Même fonctionnement d'auto média pour la site d'informations Zad nadir,
qui relaie les agenda militants, les chantiers en cours sur place, les textes
et articles de presse commentés… Une équipe de facteurs diffuse une fois par
semaine le journal Zad news dans une soixantaine de lieux différents, et relaie
les demandes de matériel, bocaux à soupe, palettes de récup, et de
savoir-faire, agricoles, construction, ou autres.
Le collectif Les Scotcheuses projette des films de luttes en super 8
dans les divers hameaux granges et écarts de la Zad , en plein air l'été, et
envisage de tourner un western dans ce bocage en lutte. Des clowns activistes y
viennent pour des stages, des ateliers s'y tiennent autour de la non violence,
l'antispécisme.
Espace d'expérimentation foisonnante
Une chambre d'hôtes, la « Black plouc kitchen », a ouvert
dans une roulotte proposant une table d'hôtes vegan. Tous les vendredis de 17 à 19h au carrefour du moulin de
Rohanne, le « non-marché »
est un lieu de rencontres, d’information et d’échanges, gratuits ou à prix
libre, des productions de la Zad. Question ressources financières, les
occupant.es bricolent avec le RSA, quelques jobs à côté, des travaux agricoles
de temps à autre.
Parmi
les derniers chantiers ouverts, la rénovation d’une
grange à la Wardine pour établir un espace enfants et une cuisine pour
accueillir des familles qui souhaitent passer sur la Zad avec des enfants en
bas âge, une salle multi-activités danse, acrobatie, arts martiaux, yoga,
cinéma..., la réfection de la salle de bain collective de la Zad, la mise en
place d’une phyto-épuration pour le lieu-dit de San-Antonio.
La ZAD développe sa capacité à tenir un espace de résistance au
capitalisme, avec une empreinte géographique minimaliste et un sens forcené de
la sobriété énergétique, tout en mettant en œuvre une expérience mouvante de l'
idée du commun, dans le cadre d'une lutte collective hétérogène.
L'occupation des terres et leurs usages ouvrent des chantiers et des
débats enracinés dans du réel. Un élevage de moutons, de race Lande de
Bretagne, en voie de disparition, a débuté. Un verger a été planté, des patates,
des zones de maraîchage. Deux fermes, aux lieux-dits Bellevue et Saint
Jean-du-Tertre, ont été réoccupées dès le départ de leurs occupants en titre,
et des cultures y sont entreprises. Au lieu-dit Les Fosses Noires, une
boulangerie fournit le pain aux zadistes. La conquête du pain, à l’œuvre, en
quelque sorte.
Nicolas de La Casinière
Les composantes de la lutte
Paysans,
riverains, associations environnementalistes, syndicats, politiques, squatters
zadistes, mais aussi naturalistes, juristes, ils et elles sont
anticapitalistes, anti spécistes, citoyennistes, libertaires, décroissants, etc.
Le
fond politique de ce terroir de bocage, c'est la Loire-Atlantique des années
1970 où les luttes paysannes prennent un caractère d'action directe, inspirée ,
imprégnée par la pensée et le personnalité de Bernard Lambert, auteur de « Les
paysans dans la luttes de classes », grande figure des luttes paysannes
des années 1970 et député, en rupture avec un catholicisme social alors très
prégnant dans l’Ouest. Fermement opposés au corporatisme et même à la propriété
privée, considérant que la terre est nourricière, qu'elle a une valeur d'usage,
pas monétaire, les Paysans travailleurs s'inscrivent dans la lutte de classes.
Les militants du mouvement mènent des luttes contre les accapareurs et les
expropriations, mais aussi contre le productivisme, les banques, la main mise
des firmes agro alimentaires.
Née en 1987, la Confédération paysanne est
l’héritière de ce mouvement qui a connu en Loire-Atlantique un terreau fertile,
actif, puissant, engagé au Larzac, puis contre les deux projets de centrales
nucléaires du Pellerin et du Carnet, ou celui de Plogoff – et tous ces projets
ont finalement été abandonnés. De 2001 à 2007, le département sera le seul en
France à élire une majorité d'élus de la Conf’ à la tête de la chambre
d’agriculture. Les liens avec la lutte du Larzac datent de cette époque. Quand
José Bové viendra apporter son soutien, c'est au nom de cette historique
convergence des luttes et d'amitiés tenaces qu'il sera là.
-
Les paysans historiques.
L'Adeca, « Association de Défense des Exploitants Concernés
par l’Aéroport », est créée en 1973 mènent des actions et rassemblements,
puis est mise en sommeil après l'abandon apparent du projet d'aéroport jusqu'en
2000. L'Adeca est alors réactivée face à le reprise du projets, et une autre
structure est créée :
-
L'association de citoyens.
L’Acipa, « Association Citoyenne Intercommunale des
Populations concernées par le projet d’Aéroport », est créé en 200, avec un nom pas très
combattif, pour drainer large. Son objet majeur est l’information des populations.
En 2015, l'Acipa compte plus de 3 500 adhérents. Elle a lancé une pétition qui
a recueilli plus de 50 000 signatures ; une pétition photo qui a réalisé plus
de 11 000 portraits et la lettre d’information hebdomadaire est envoyée à plus
de 4500 personnes. Chaque année, depuis l’année 2001, des rassemblements
d’opposants ont été organisés ; ces dernières années, plusieurs dizaines de
milliers de personnes y étaient présentes.
-
La Coordination des opposants, dite « coord », est née en 2004 autour de l'Acipa pour
élargir et fédérer les associations, mouvements politiques, syndicats et
collectifs, soit plus de 50 groupes en 2014. On y trouve notamment Solidaires, le NPA, Attac, EELV,
Ensemble, les Objecteurs de Croissance, le Modem... La
coordination se réunit tous les mois et organise collectivement les divers
rassemblements, manifestations ou réunions d’informations.
-
Le collectif des élu.es.
Créé en 2009, le CéDpa, Collectif d'élu.es doutant de la pertinence du projet d'aéroport à Notre
Dame des Landes, regroupe un millier d'élus locaux, régionaux. Le collectif a
notamment engagé des experts indépendants pour réaliser des études et contre
expertises sur les coûts/bénéfices du projet d'aéroport comparé au maintien et
à l'optimisation de l'aéroport existant, mais aussi pour étudier de près le
permis de construire déposé par Vinci. Ces élu.es ont aussi joué le jeux des
consultations en préfecture de la Commission du dialogue mise en place par le
gouvernement Ayrault pour tenter d'apaiser les tensions après l’opération César
menée sur le terrain en octobre 2012.
-
L'Inter-comités.
Depuis l'opération César qui a en octobre et novembre 2012
tenté, sans succès d'évacuer manu militari la zone, ce collectif des comités
anti-aéroport créés dans 75 départements dans toute la France est une autre
force de mobilisation et de réflexion, moins active quand aucune menace
tangible d'expulsion ne se fait sentir mais prête à se réactiver à la moindre
alerte.
- Les collectifs Copain.
Créé en 2011, le collectif Copain 44, « Collectif des Organisations
Professionnelles Agricoles INdignées par le projet d'aéroport », est formé
de producteurs bio du Groupement de l'agriculture biologique, de l'aile gauche
de la Confédération paysanne et d'autres structures (Civam44, Terroir 44, Accueil Paysan, Manger Bio 44). Son rôle de rapprochement
entre les zadistes et les paysans historiques et l'Acipa est remarquable.
D’autres collectifs Copain sont nés depuis dans des départements proches. Ces
collectifs ont montré leur engagement en encerclant avec 45 tracteurs le lieu
reconstruit de La Châtaigneraie, puis la ferme de Bellevue, menacée de
destruction, afin de s'opposer physiquement aux expulsions. Copain a été
impliqué dans la remise en production ce
de cette ferme de Bellevue puis de celle de Saint-Jean-du-Tertre. C'est
aussi une des instances actives du débat sur le devenir agricole de la Zad en
cas d'éventuelle victoire de la lutte et d'abandon du projet d'aéroport. On y
discute des usages et des pratiques de culture, dans une possibilité de
dépassement de la propriété foncière classique.
Le Copain est intervenu dans le processus de
redistribution temporaire de terres, arbitrairement orchestré
par le concessionnaire du projet, AGO Vinci. Avec les paysans de l'Adeca, le Copain
a prôné une gestion collective, œuvrant au quotidien pour démêler
des conflits, faciliter l'accès des agriculteurs à
leurs parcelles, améliorer la compréhension
respective des pratiques des uns et des autres.
-Les
zadistes.
Après
le Camp climat de 2009, et son appel à occuper la zone, les premiers squatters
précaires ont débarqué pour s'installer le terrain de la Zad, dans des maisons
encore intactes, des cabanes, des habitats précaires souvent autoconstruits.
C'est un ensemble multiple, qui ne se revendique pas toujours comme une entité
homogène mais comme une somme d'individualités. On distingue parfois les
zadistes historiques, présentes depuis cette «époque, et les autres implantés
plus récemment. Un texte de juillet 2013 « A propos du mépris de classe
sur la zad » établit que l'origine sociale et l'histoire récente de ces
zadistes compose deux catégories. Des déclassés de la petite bourgeoise
intellectuellenavec plusieurs années à l'université et une pratique des lutes,
et des gens venus de la rue, moins rompu à l'évidence de l'assemblée générale,
plus rugueux, avec des bagages culturels très différents voire conflictuels.
Les
paysans et associations de défense « institutionnelles » – comme dit
le préfet – les ont regardés avec une certaine méfiance. Réflexe de gens de la
terre, habitués à se fier aux actes plus qu’aux discours. Au début, la
cohabitation n’a pas toujours été facile. Histoires de chiens se
baladaient librement, alors qu’il y a du bétail partout. Besoin, pour les
paysans en place, de faire comprendre que des barrières, ça se referme
Depuis, les « nouveaux venus » ont
montré leur détermination, capables de passer les hivers dans les froidures de
ce bocage très humide, pas manchots pour s’organiser, faire du pain, lancer des
cultures vivrières, poireaux, patates, tomates et courges nourrissant pendant
deux ans et demi les quelque deux cents Zadistes. Ils et elles l’ont fait. Des
militants capables aussi de donner des coups de main à la traite journalière
des vaches, quand certains paysans sont absents pour une manif en tracteur à
Paris, ou lors de la grève de la faim.
À l’initiative du mouvement Reclaim the fields, une manifestation de débroussaillage a installé, le 7 mai 2011,
ce qui sera la ferme potagère du Sabot, détruite par les gendarmes mobiles à
l'automne 2012 par l'opération césar. Pour l’occasion, les paysans ont renoué
avec les manifs d’installation de jeunes agriculteurs d’il y a quarante ans,
prêtant leurs tracteurs, donnant du purin et des conseils pour les cultures. Et
quand les expulsions ont commencé, à la mi-novembre 2012, ils ont fourni à
manger aux barricades. Certains paysans ont dormi avec les jeunes dans les
maisons expulsables, présents tous les jours en première ligne de l'offensive
miliaires, pour éviter au moins que la répression ne soit des plus violentes,
sans témoins, au coin du bois… Et les paysans savent pertinemment quelle fière
chandelle ils doivent aux zadistes, la résistance aux expulsions et le
formidable élan de sympathie levé spontanément dans toute la France. Malgré les
dissensions tactiques, tous se souviennent de ce qui a scellé leur union.
Sème
ta Zad a été
le nom d'une journée de plantations et de chantiers collectifs en avril 2013,
qui lance une douzaine de projets agricoles sur les terres occupées : maraîchage,
céréales, légumineuses, poules, vignes, etc. Sème ta Zad depuis devenu une
instance informelle qui réfléchit, avec Copain notamment, aux futurs agricoles
et aux scénarios de cultures et de partage des espaces.
D'autres
collectifs ont des angles d'analyse et de contributions spécifiques. Quelques
trois cent « naturalistes en lutte », universitaires, associatifs,
professionnels et amateurs, réalisent un inventaire sans précédent de la faune
et la flore, contre expertise citoyenne au rapport du cabinet chargé
d'inventorier les espèces protégées. Des juristes étudient toutes les failles,
les recours et les stratégies judiciaires, en s'attachant à la Loi sur l’Eau,
au déplacement des espèces protégées, aux directives européennes, d'autres sont
mobilisés sur le sujet des expropriations ou le volet pénal de la lutte...
Des
géographes analysent les spécificités de ce rare paysage de bocage préservé et dénoncent
un aménagement du territoire trop centré sur la métropolisation des villes et
l’abandon des territoires intérieurs. Des architectes et urbanistes analysent
le permis de construire du projet, l'optimisation possible de l'actuel aéroport
avec le collectif des pilotes de ligne en activité, liés à des chefs
d’entreprises, notamment un ancien directeur d’une compagnie aérienne
régionale.
Ce
savoir partagé constitue une véritable intelligence collective, comme une
université populaire d'experts autodidactes, formés dans le tumulte durable de
la lutte.
–--------------------------
Bibliographie
Bibliographie
- Les paysans dans la luttes de classes, Bernard
Lambert, préface de Michel Rocard, alors au PSU, éditions du Seuil, 1970. Réédition en 2003 aux éditions
du Centre d'histoire
du travail à Nantes, avec un avant-propos de José Bové.
- Dégage, on aménage,
Jean de Legge et Roger Leguen, éditions Le Cercle d'Or, 1976, épuisé. On peut
le lire en pdf sur le site de l'Acipa :
http://acipa.free.fr/Plus/Divers/Degage/degage.htm
- C'est quoi
c'tarmac ?, profits mensonges et résistances, par le collectif Sudav,
éditions No Pasaran, 2011.
- ZAD partout, zone à
défendre à Notre-Dame des Landes, Textes et images, éditions L'Insomniaque,
2013.
- Les prédateurs du béton,
enquête sur la multinationale Vinci. Nicolas de La Casinière, éditions
Libertalia, 2013.
- Notre Dame des Landes,
Hervé Kempf, éditions du Seuil, 2014.
Ces deux articles des Nicolas de la Casinière sont repris de l'Encyclopédie de l'Autogestion (éditions Syllepse)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire