mardi 12 mai 2020

Crise de légitimité et processus de fascisation : L’accélération par la pandémie, par Saïd Bouamama




Cette colère populaire est mesurée par le gouvernement qui prépare activement ses réponses [répressives d’une part et  idéologiques d’autre part] pour la juguler et la détourner. La crise de légitimité antérieure à la pandémie est accélérée par celle-ci et suscite logiquement une accélération du processus de fascisation, lui aussi déjà entamé avant la séquence du Corona. 

Le rappel de quelques fondamentaux permet d’éclairer la signification politique et idéologique de quelques faits et choix gouvernementaux récents ayant à première vue aucun liens : gestion autoritaire du confinement ayant déjà fait 10 victimes dans les quartiers populaires, note aux établissements scolaires appelant à « lutter contre le communautarisme » dans le cadre du déconfinement, document de prospective du ministère des affaires étrangères sur les conséquences politiques de la pandémie en Afrique, soutien d’Emmanuel Macron à Éric Zemmour, etc.

lundi 11 mai 2020

Jean-Marie Harribey: entamer une «grande bifurcation», entretien avec Romaric Godin (Mediapart;fr)


L’économiste Jean-Marie Harribey rappelle que la crise sanitaire actuelle se produit dans une crise profonde du capitalisme. Il en appelle à un changement radical, appuyé sur trois orientations : réhabiliter le travail, instituer les communs et socialiser la monnaie.

La crise qui s’est ouverte avec la crise sanitaire s’est muée rapidement en une crise du capitalisme qui s’annonce plus profonde qu’on a pu le croire initialement. Le niveau de chute des PIB et la responsabilité des politiques publiques néolibérales posent nécessairement la question d’une possibilité d’un retour à une « normalité » dont, au reste, plus personne ou presque ne se revendique. Alors qu’Emmanuel Macron prétend désormais vouloir défendre un « État protecteur » et renforcer les salaires des métiers selon leur « utilité sociale ». Mais que signifierait vraiment un changement profond de modèle ? Et pourquoi n’est-il pas envisageable de revenir en arrière ?
Jean-Marie Harribey est économiste, membre des Économistes atterrés et de la Fondation Copernic. Il a publié peu avant l’annonce du confinement un ouvrage sur l’état du capitalisme contemporain, Le Trou noir du capitalisme. Pour ne pas y être aspiré, réhabiliter le travail, instituer les communs et socialiser la monnaie (Le Bord de l’eau, 2020). Il tente d’expliquer en quoi la crise actuelle n’est pas aussi « extérieure » au capitalisme qu’il n'y paraît et comment elle pourrait être systémique. Puis il dessine les traits de ce qu’il appelle la « grande bifurcation » et qui serait un véritable changement de paradigme.

R.G.

La plongée des « collapsologues » dans la régression archaïque, par Daniel Tanuro




A l’heure où la jeunesse de différents pays entame des mobilisations de masse face à la catastrophe climatique, se pose de façon d’autant plus urgente la nécessité de débattre des cadres d’analyses et des réponses politiques face à la crise environnementale. Parmi les courants de pensée les plus récents sur le marché éditorial, la collaposologie[1] s’avère être un succès de librairie, en particulier grâce aux livres co-écrits par Pablo Servigne. Ce succès, largement porté par une campagne publicitaire des plus classiques, est-il un bon signe pour les luttes écologiques et sociales ? Ou n’obscurcit-il pas les horizons émancipateurs que de telles luttes sont à même dessiner ?

« Le regard tourné vers l’avant est d’autant plus pénétrant qu’il est conscient. L’intuition, authentique, se veut nette et précise. Ce n’est que si la raison se met à parler que l’espérance, vierge de toute fraude, recommence à fleurir » (Ernst Bloch)

Dans leur ouvrage Comment tout peut s’effondrer, paru en 2014, Pablo Servigne et Rafaël Stevens créaient le concept de « collapsologie », qu’ils définissaient comme suit :