Voilà une pratique alternative, avec des dimensions solidaire, populaire et autogestionnaire , qui mérité d'être connue autour de nous. Cet article est repris du journal Libération du 17décembre dernier.
Bruno Della Sudda
Dans les
quartiers Nord de Marseille, d’anciens salariés ont transformé en plateforme
solidaire leur restaurant mis en liquidation judiciaire. Distribution de colis
alimentaires, soins et chaleur humaine : ils veulent
pérenniser le
lieu.
Tribune. Quartiers Nord de Marseille : spectaculaire accumulation d’échecs des politiques menées dans tous les domaines ces dernières décennies. Notre secteur fut pendant six ans la plus grosse commune gérée par le Rassemblement national (RN) en France. Aux dernières élections, l’abstention est montée jusqu’à 90 %. A la grande précarité et l’abandon dans lesquels les habitants survivent et s’autoorganisent depuis si longtemps, la crise du Covid-19 s’est ajoutée, créant une situation exceptionnelle et potentiellement explosive.
Or si la cohésion sociale peut
être préservée pendant cette crise, c’est par une mobilisation tout aussi
exceptionnelle. Les habitants ont su irriguer le corps malade de notre ville
de leur solidarité vivante. Au milieu de la débâcle, une formidable énergie
collective a permis que soit créée une plateforme d’entraide, autogérée, au
McDo Saint-Barthélémy. Emblème d’une mobilisation syndicale historique des
salariés pour faire de leur outil de travail un lieu de soin pour le quartier.
Placé en liquidation judiciaire par la firme, ce restaurant et son drive
réquisitionnés par ses anciens salariés ont permis pendant tout le confinement
et jusqu’à aujourd’hui de distribuer des dizaines de milliers de colis
alimentaires et des kits d’hygiène, préparés et distribués par des dizaines de
collectifs et d’associations des quartiers alentour : sans aucune aide publique.
Pendant le confinement, on a même
distribué des colis à des électeurs du RN, certains sont venus participer. On a
fait corps. Ce restaurant a toujours été un lieu de sociabilité intégré aux
quartiers : à l’Aïd et à Noël, c’était plein, un vrai lieu de fête où les gens venaient endimanchés pour
se réunir et profiter de l’aire de jeux à l’extérieur avec leurs enfants. On a
fait la fortune de McDo, un îlot prospère au milieu de la précarité ambiante.
On n’a peut-être pas fait les grandes écoles, mais on a appris ici à gérer la
valeur humaine, le lien social, le soin, le complexe.
On est nés dans ces quartiers, on
sait que, statistiquement, nous sommes des rescapés. Car ici, souvent, le seul
héritage, c’est la précarité. Mais cette précarité, nous entendons la faire
fructifier : en dignité, en formation, en solidarité, en activité sociale et économique, sous la forme d’une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) dont le profit
appartiendrait à tous. C’est notre projet ! Reprendre notre destin en main. On est créateurs de richesses,
économiques et sociales. Dans un monde balkanisé par l’hyperindividualisme,
nous faisons œuvre de pédagogie en réactualisant le partage et la solidarité ! On en a une vraie expertise, quand bien même elle ne s’exprime pas en
tableaux Excel et en business plan. Et nous disons, non seulement que nous
savons le faire, mais que nous sommes les seuls légitimes et les seuls à
pouvoir le faire ici.
«Venez comme vous êtes» ? On l’a pris au mot. On a traversé la rue pour créer des emplois, nos emplois
dans le monde d’Apres (pour Association de préfiguration pour un établissement économique
et social). Elle inaugure ce samedi, symboliquement, notre nouveau
restaurant, avec des hamburgers végétariens et des ruches sur le toit. Désormais,
dans cet espace, il y a des ordinateurs, des jouets, des livres, des gens qui
viennent se réunir et se rencontrer, des associations qui se créent, des rêves
qui s’élaborent et se concrétisent. Pour Noël, des actions solidaires sont
aussi programmées (dans le respect des règles de sécurité sanitaire).
Nous souhaitons reprendre ce
restaurant. McDo fait savoir qu’ils ont reçu d’autres offres de reprise et ne
comptent pas discuter avec nous. Ailleurs en France, des maires ont su résister
à McDo, au nom de valeurs d’une économie plus saine et plus juste. Nous avons
besoin de soutien en actes. Pas de Légions d’honneur invisibles pour avoir fait
le travail là où les politiques publiques ont démérité, mais la reconnaissance
de ce qui s’accomplit ici depuis des mois.
Et un appui concret dans notre
face-à-face avec McDo. Venez nous voir, venez comme vous êtes ! Venez avec les valeurs de renouvellement et de valorisation de l’action citoyenne qui ont triomphé, paraît-il, aux dernières élections municipales, et laissez-nous
gérer ce lieu avec les nôtres ! Prenons le risque, pour une
fois, de permettre à des
outsiders d’exprimer
positivement leur propre résilience : laissons advenir un monde d’après plus
solidaire.
Signataires :
Kamel Guemari Salarié et syndicaliste du
McDo, Salim Grabsi Membre fondateur du Sel de
la vie, Fathi Bouaroua Président de
l’association Après McDo, Patrick Nédelec Président
d’honneur d’ApresMcDo, Laurent Bole-Besançon Vice-trésorier
d’Après McDo, Aïssa Grabsi Trésorier d’Après McDo, Karima Berriche Membre du Syndicat des
quartiers populaires de Marseille (SQPM) et
Mohamed Bensaada Président du SQPM.
- Kamel Guemari salarié et syndicaliste du
McDo, Salim Grabsi membre fondateur du Sel de la vie, Fathi Bouaroua
président de l’association Après McDo, Patrick Nédelec président d’honneur
d’Après McDo, Laurent Bole-Besançon vice-trésorier d’Après McDo, Aïssa Grabsi
trésorier d’Après McDo, Karima Berriche membre du Syndicat des quartiers
populaires de Marseille (SQPM) et Mohamed Bensaada président du SQPM
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