Au vu de la crise du système néolibéral, il importe de réformer certaines règles de la vie internationale. Concernant l’Afrique, continent particulièrement impacté, l’annulation des dettes illégitimes fait partie de ce programme, de même que l’abolition du franc CFA, l’arrêt des opérations militaires extérieures et des Accords de partenariat économique (APE), la relocalisation des économies, la restitution des biens culturels spoliés...C’est sur ces bases que s’organisent les sociétés civiles, dont les femmes sont souvent les protagonistes, les diasporas installées en Europe, ainsi que les mouvements sociaux. Cet ouvrage est à l’actif d’une équipe de spécialistes et de responsables associatifs de différents pays: Mali, Sénégal, Togo, France, Belgique...
Il ne fait pas de doute que
nous avons beaucoup d’expériences à partager d’un pays francophone à l’autre,
sur la question des alternatives au néocolonialisme. De plus en plus, de
manière générale, se pose la question de l’accroissement des réseaux militants
et citoyens pour contribuer à désamorcer les stratégies institutionnelles, qui
sont à l’échelle internationale comme vous le savez.
Contexte de l’ouvrage :
une nouvelle séquence historique sur l’axe nord-sud
Les événements se succèdent dans de
nombreux pays d’Afrique francophone : relations franco-rwandaises
relancées après la remise du rapport Duclert [1] pointant les lourdes
responsabilités de l’Etat français dans le génocide des Tutsis en 1994 [2],
exécution au Tchad d’Idriss Déby dans une sorte de révolution de palais validée
par l’Elysée [3], deuxième coup de force militaire au Mali en un an, cette
fois-ci sanctionnée par Paris et l’Union africaine mais toujours au nom de la
« guerre contre le terrorisme » [4, Etats généraux de l’Eco
tenus à l’université de Lomé (du 26 au 28 mai dernier) qui préconisent
d’acter la rupture avec le franc CFA[5], retour de l’ancien président Laurent
Gbagbo en Côte d’Ivoire après 10 ans d’exil et d’emprisonnement arbitraire
à la CPI (6)…
Quelles que soient les
contradictions et limites de ces évènements, l’ensemble est marqué par des
amorces de déblocages d’envergure, suite à une longue période d’immobilismes
institutionnels. En témoignent, au moins au niveau de l’affichage, les annonces
macroniennes concernant l’avenir monétaire (faites avec Ouattara en
décembre 2020), l’arrêt de l’opération Barkhane sous sa forme actuelle (en
juin 2021), le réchauffement des relations franco-rwandaises.
L’ou vrage Résistances
africaines à la domination néocoloniale s’inscrit dans cette
nouvelle séquence historique qui s’ouvre. Il y est fait référence à la
mobilisation belge et à la position du CADTM, qui relaient la mouvance de
« Black lives matter » (c’est à lire dans l’introduction,
p 24-25) :
« A l’occasion du
60e anniversaire de l’indépendance du Congo, le 30 juin 2020, le roi des
Belges, Philippe, a exprimé ses regrets au président de la RDC Félix
Tshisekedi, concernant la période coloniale, un prélude à des excuses
officielles : « Je tiens à exprimer mes plus profonds regrets pour
ces blessures du passé dont la douleur est aujourd’hui ravivée par les
discriminations encore trop présentes dans nos sociétés ». Une commission
d’enquête parlementaire devrait voir le jour. Pour mémoire, en 2000-2001,
une Commission consacrée à l’assassinat en janvier 1961 de Patrice
Lumumba, premier ministre du Congo, avait conclu à la « responsabilité
morale » de certains ministres et d’autres acteurs belges. En 2020,
des statues du « bourreau congolais », Léopold II,
ont été vandalisées, à Bruxelles et Anvers notamment, et certaines universités
et municipalités ont décidé de retirer des statues. Dans une pétition qui a
recueilli plus de 80 000 signatures, le collectif « Réparons
l’Histoire » réclame que les statues érigées en hommage à Léopold II soient
retirées à Bruxelles. En réponse à la lettre royale, Eric Toussaint,
fondateur du CADTM, en appelle à des réparations effectives [7]. »
Dans le même temps, l’Allemagne
vient de reconnaître la responsabilité du 2e Reich dans le
génocide des Herreros et des Namas en Namibie [8]. Les Etats-Unis de Joe
Biden commémorent de manière très médiatisée le centenaire du massacre de Tulsa
(dans l’Oklahoma), faussement dénommé jusqu’alors émeute raciale [9]. Le
Canada découvre avec horreur les massacres et mauvais traitements d’enfants
amérindiens, métis et Inuits, perpétrés dans le cadre de l’éducation
catholique (10).
Ce sont autant d’éléments
d’envergure, au moins au niveau symbolique jusqu’à présent, qui restent à
interpréter et à faire fructifier.
La France au cœur de la tourmente
nécoloniale et intercommunautaire
Dans le même temps, en France,
épicentre de conflits internationaux sur l’axe Nord-Sud (Europe-Afrique-Moyen
orient), la montée des tensions intercommunautaires, singulièrement à l’actif
de l’extrême droite et des droites au motif de la lutte contre le terrorisme
islamiste, atteint un niveau record dans la dernière période.
La surenchère dite sécuritaire,
alimentée par les pouvoirs publics et des médias complaisants, consacre la
dérive autoritaire de l’appareil d’Etat: rassemblement de l’intersyndicale des
policiers le 19 mai dernier, officiellement organisé pour rendre hommage à
des collègues morts en exercice, cela avec le soutien du ministre de
l’Intérieur ; lettres ouvertes de militaires et de gradés qui en appellent
à un retour à l’ordre musclé dans les quartiers populaires….
Ceci sur la base d’amalgames
opérés entre différents fauteurs de troubles réels ou supposés :
terroristes, délinquant.es ordinaires, jeunes de quartiers populaires, Gilets
jaunes, manifestant.es. A l’Université, une cabale est organisée par le
ministère pour éradiquer les ferments « séparatistes » des études
post-coloniales et de l’« islamogauchisme ».
En amont, un arsenal
législatif – antiterroriste, anti-migrants, anticasseurs,
antiséparatiste… – s’est constitué au fil des derniers mandats
présidentiels. Dans cette gestion assez exclusivement répressive, sont exclues
les responsabilités de l’Etat français dans les causes des violences
incriminées, en premier lieu terroristes. Cet engrenage du conflit systématique
n’épargne pas les policiers dont l’exercice professionnel est souvent à
risques, ni la justice, institution critiquée par leurs syndicats et dont, pour
autant, de nombreux.ses représentant.es optent pour l’impunité des forces de l’ordre.
Pour reprendre le
leitmotiv sécuritaire qui est dans l’air du temps, dans les faits, les
pays du Sahel subissent une occupation militaire sans perspectives de paix
depuis 2013, les autres pays francophones vivent sauf exceptions sous
dictature [11], d’autres peuples subissent le talon de fer belliciste du
fait d’une politique d’armements tous azimuts, spécialement depuis la
présidence Hollande (à destination de l’Egypte, de l’Arabie
saoudite…) [12], les quartiers populaires comptent leurs morts issus de
bavures policières, les manifestant.es comptent les mutilations ou
condamnations à des peines disproportionnées de prison… Quand les
manifestations ne sont pas purement et simplement interdites dans le
« pays des droits de l’homme ».
Face à cette déferlante qui
renforce la prise de pouvoir du pays par l’extrême droite, le mouvement social
français peine à trouver la parade. La critique des violences policières et d’autres
répressions institutionnelles dont il fait l’objet n’y suffira pas (13).
« Négation du racisme
comme modalité de gestion du rapport de classe, persistance d’une vision
idéaliste de la République et de la Nation et faiblesse de l’anti-impérialisme
sont les trois mamelles politiques nourrissant la faiblesse de la résistance
antifasciste aujourd’hui. » (14)
C’est a contrario du
renforcement des alliances avec les représentations progressistes des pays ex
colonisés, des Outremers et des quartiers populaires multi-ethniques, et de
l’inclusion de leurs éléments de programme spécifiques, que dépend en grande
partie l’efficacité des résistances. Toutes ces tâches contribuent à
décoloniser les mentalités et à responsabiliser les différents acteurs à
l’égard de la politique internationale et de ses répercussions en interne.
Description de l’ouvrage et
préconisations
C’est l’objectif de Résistances
africaines, qui est à l’actif d’une équipe d’Africanistes, composée
pour moitié d’Africains (du Mali, du Sénégal, du Togo) et pour moitié de
Français, dont certains sont issus de l’immigration post-coloniale (15).
Cela avec le soutien nominal ou
logistique des organisations et réseaux suivants: Association pour la défense
des droits à l’eau et à l’assainissement/Addea (Sénégal), Attac Burkina, Attac
Togo, CADTM Afrique et Belgique, CEDETIM, Fondation Rosa Luxemburg, Forum pour
un autre Mali, FUIQP/Front uni de l’immigration et des quartiers populaires,
Plate-Forme panafricaine, réseau SOL.
Au vu de la crise du système
néolibéral – géo-politique, socio-économique, écologique, sanitaire-, il
importe de réformer certaines règles de la vie internationale. Concernant
l’Afrique, continent particulièrement impacté, l’annulation des
dettes illégitimes fait partie de ce programme, de même que l’abolition du
franc CFA, l’arrêt des opérations militaires extérieures et des Accords de
partenariat économique (APE), la relocalisation des économies, la restitution
des biens culturels spoliés.
C’est sur ces bases que s’organisent
les sociétés civiles, dont les femmes sont souvent les protagonistes, les
diasporas installées en Europe, ainsi que les mouvements sociaux.
Pour conclure, l’éviction de
l’équipe suprématiste de D Trump aux USA, avec l’aide des minorités
ethniques entre autres, montre qu’une autre voie est possible, symbolisée par
le verdict qui a suivi l’assassinat de George Floyd à Minneapolis. C’est celle
de la démocratisation des relations Afrique-Europe-France, d’une meilleure
inclusion scolaire et socio-économique des citoyen.nes issu.es de
l’immigration post coloniale et des outremers, et d’une manière générale, d’une
meilleure reconnaissance des cultures minoritaires en France. Cela passe
forcément par la décolonisation des mentalités, des deux côtés du périph’ et de
la Méditerranée. Côté métropole, la réduction de la négrophobie et de
l’afropessimisme qui sévit dans l’opinion est conditionnée à celle de
l’indifférence et du silence qui prévaut dans le mouvement social, sauf
exceptions sur ces sujets.
D’ores et déjà, les thèmes
relatifs à la 2e indépendance, à l’égard du néocolonialisme cette
fois-ci, et à des réparations concrètes, sont de plus en plus familiers en
France, malgré le verrouillage médiatique. Par leur degré de passifs
historiques, le cas des relations franco-rwandaises (complicité de génocide) et
franco-ivoiriennes (guerre civile commanditée pour mettre à bas un régime
progressiste ou à tout le moins étranger à la françafrique) est emblématique.
Entre autres exemples de réparations, serait intéressant un impôt spécial pour
toutes les multinationales françaises travaillant en Afrique dont une partie
irait en dédommagement au Rwanda, et une autre pour favoriser le développement
en Afrique subsaharienne et pour dédommager les peuples notamment francophones
des méfaits de la colonisation et de la néo-colonisation
Le contre-sommet Afrique-France
de Montpellier, prévu en octobre prochain, qui se tiendra avec un colloque
préliminaire pour l’annulation de ces sommets féodaux et notamment pour l’arrêt
des opérations militaires, doit être une occasion de desserrer l’étau pseudo
sécuritaire sur ces sujets. Et pour ce faire, de renforcer les collaborations
avec les communautés et représentant.es des diasporas, pour un meilleur partage
des expertises et des programmes
Sommaire
Préface. Pour davantage de convergence des
luttes, par Aminata Traoré
Introduction. L’ Afrique
à la
croisée
des chemins ?, par Martine Boudet
Première partie. L’ actualité africaine en
contexte
Chapitre 1. Pillage des ressources et conflits armés
en Afrique : quelles réparations ?, par Esmathe Gandi
Chapitre 2. Le contexte écologique du continent
africain,
par Marie-Paule Murail
Chapitre 3. La Zone franc et le franc CFA :
retour sur un contentieux économique et politique, par Kako Nubukpo
Deuxième partie. Historique des accords économiques
Chapitre 4. Les accords économiques Afrique-France,
une histoire négative, par Saïd Bouamama
Chapitre 5. Du libéralisme forcé, le cas des APE,
par Ndongo Samba Sylla 103
Chapitre 6. La stratégie de l’Union européenne pour
perpétuer la néo-colonisation de l’ Afrique,
par Jacques Berthelot
Troisième partie. Panorama des accords internationaux
Chapitre 7. Une vision globale sur le libre échange.
Cas des accords transatlantiques : Tafta, CETA, par Claude Layalle 147
Chapitre 8. Les APE s’inscrivent dans une politique
ordo-libérale mondiale, par Thierry Brugvin
Quatrième partie. Prospective programmatique et institutionnelle
Chapitre 9. Les dettes illégitimes, leur impact et les
alternatives, par CADTM d’ Afrique et Attac
Burkina Faso
Chapitre 10. Dettes coloniales et réparations,
entretien avec Saïd Bouamama
Chapitre 11. Le devoir de solidarité Nord-Sud,
condition de la construction altermondialiste, par Marie-Paule Murail
Conclusion. Les mouvements sociaux africains au cœur
de l’ altermondialisme, par Gustave
Massiah
Annexes
Annexe 1 – Éléments de programme en matière d’ alterdéveloppement, déclaration d’intellectuel·les
africain·es blog de Fanny Pigeaud
Annexe 2 – Coronavirus : pour en sortir
plus forts ensemble,
Tribune de 25 intellectuel·les africain·es, Jeune Afrique, 10
avril 2020
Annexe 3 –Aux dirigeants du continent
africain : face au Covid-19, il est temps d’ agir!,
Tribune interafricaine, par Les
Invités de Mediapart
Annexe 4 – Une nouvelle Afrique est possible
Déclaration des groupes africains pour la justice climatique sur Covid-19 (6
mai 2020)
Annexe 5 – Lettre ouverte des économistes
africains : la réponse de l’ Afrique
à la
pandémie
appelle la reconquête
de sa souveraineté économique et monétaire, Financial Afrik, 5
septembre 2020
Annexe 6 – Stop aux négociations
commerciales, à l’OMC et ailleurs
20 avril 2020, par un collectif international
Liste des acronymes utilisés dans l’ouvrage
Présentation de l'éditeur
Au vu de la crise du système
néolibéral – géo-politique, socio-économique, écologique,
sanitaire –, il importe de réformer certaines règles de la vie
internationale. Concernant l’Afrique, continent particulièrement impacté, l’annulation
des dettes illégitimes fait partie de ce programme, de même que l’abolition du
franc CFA, l’arrêt des opérations militaires extérieures et des Accords de
partenariat économique (APE), la relocalisation des économies, la restitution
des biens culturels spoliés...
C’est sur ces bases que s’organisent les sociétés
civiles, dont les femmes sont souvent les protagonistes, les diasporas
installées en Europe, ainsi que les mouvements sociaux.
Cet ouvrage est à l’actif d’une équipe de spécialistes
et de responsables associatifs de différents pays: Mali, Sénégal, Togo, France,
Belgique... L’actualité est étayée par des panoramas internationaux, qui
incluent les accords transatlantiques. Un point est fait sur les programmes
élaborés par les collectifs d’intellectuel·les et les réseaux citoyens.
Néolibéralisme et néocolonialisme font bon
ménage. En réponse, cette publication se veut un outil altermondialiste,
qui contribue à faire des relations Afrique-Europe-France le tremplin d’un
sursaut solidaire.
Que le mouvement antiraciste et « des droits
civiques » (Black Lives Matter/BLM), qui se développe actuellement, soit
une opportunité pour les peuples du Sud de faire valoir les principes d’un
alter-développement, à la fois afrocentré et à visée universelle.
Auteur·es : Jacques Berthelot, Saïd Bouamama, Martine
Boudet (coordination), Thierry Brugvin, Esmathe Gandi, Claude Layalle, Gus
Massiah, Marie-Paule Murail, Kako Nubukpo, Ndongo Samba Sylla, Aminata Traoré.
Avec le soutien des organisations et réseaux
suivants : Association pour la défense des droits à l’eau et à
l’assainissement/Addea (Sénégal), Attac Burkina, Attac Togo, CADTM Afrique,
CEDETIM, Forum pour un autre Mali, FUIQP/Front uni de l’immigration et des
quartiers populaires, Plate-Forme panafricaine, réseau SOL.
https://editions-croquant.org/actualite-politique-et-sociale/710-resistances-africaines.html
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