Les classes dirigeantes ont besoin, chaque fois que possible, du consentement ou de la résignation des dominé-e-s, et, chaque fois que nécessaire, d'user de la coercition contre elles/eux. L’éclatement du monde du travail, les discriminations, les contradictions qui traversent les couches populaires, sont également des conditions majeures de la pérennisation du système.
La convergence des luttes et propositions pour une alternative ne pourra s'opérer en considérant que les différences sont des obstacles à surmonter, mais en les assumant pour avancer ensemble contre l'adversaire commun.
C'est le cas dans le monde du travail, avec l'enjeu de revendications unifiantes et prenant en compte la nécessité absolue de la lutte contre le chômage, la précarité et les temps partiels subis, notamment par les femmes. C'est pourquoi le droit à l'emploi pour toutes et tous et la réduction du temps de travail sont des objectifs majeurs, au même titre qu'une répartition plus égalitaire des richesses, la mise hors marchandisation de la santé ou de l’éducation, et la sécurisation des parcours professionnels.
C'est le cas dans les villes et quartiers populaires, où l'auto-organisation des habitant-e-s doit être soutenue, non comme le 'centre' d'une alliance autour des plus exploité-e-s et discriminé-e-s, mais comme élément nécessaire d'un bloc commun à construire pour l'alternative.
Le caractère multidimensionnel des dominations et exploitations alimente, en retour, des contestations multiformes, des luttes et des résistances sur des terrains très divers. L'enjeu est que s'articulent contestation radicale et antisystémique et propositions alternatives.
Pratiques et projet doivent partir de cet enjeu, et la mise en avant de la dimension rouge, verte et émancipatrice renvoie au projet, à la nature du bloc social et politique, à la pluralité des prises de conscience et des combats pour l'égalité des droits de toutes et tous, sur le terrain social ou sur celui de l'écologie...
Nous voyons, à Notre Dame des Landes ou chez Fralib, mais aussi, à une échelle large en Grèce, que, pour s'inscrire dans la durée, les résistances sont indissociables de ce que nous appelons pratiques alternatives et expériences autogestionnaires. Celles-ci esquissent ce que sera la société alternative, sur les terrains de la production, de la consommation, de la culture, de la vie locale.
Par exemple en démontrant qu'on n'a besoin ni d'une hiérarchie, ni d'un patron ou d'un chef, qu'on peut remplacer par un travail d'équipe et en réseau, par des assemblées et des conseils, ou que la transition énergétique et écologique est possible.
En réactualisant dans la pratique le concept d'hégémonie gramscienne, on contribue à délégitimer le capitalisme et l'ordre existant, on prépare dans les mobilisations citoyennes et les mouvements sociaux d'aujourd'hui les ruptures nécessaires.
Construire les solidarités pour ne laisser isolée aucune lutte et expérimentation est un enjeu majeur, au même titre qu'est décisive l'articulation entre les temps forts de mobilisation sociale et politique et la déconstruction du système par des démarches alternatives. Faute d'une telle articulation, les "temps forts" risquent de n'être que rituels, et l'expérimentation alternative, cantonnée aux interstices du système, réduite au témoignage.
Ni consécutives au « grand soir » ou à une « révolution par les urnes », la démarche autogestionnaire et l'unité des dominé-e-s et exploité-e-s précèdent et préparent les ruptures partielles nécessaires d'un processus conduisant à la rupture avec le capitalisme, processus que nous appelons « révolution longue ».
Jean-Jacques Boislaroussie et Bruno Della Sudda (Les Alternatifs)
(parution en 2013 dans le bulletin Trait d'union, publié sous la responsabilité commune de la FASE, Gauche Anticapitaliste, Gauche Unitaire, Convergence et Alternative, République et Socialisme et les Alternatifs, ces organisations sont membres du Front de Gauche)
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